Blaise CENDRARS
Blaise Cendrars, légionnaire et écrivain (1887 - 1961).
Écrivain, aventurier, voyageur, poète... Blaise Cendrars a coiffé toutes les casquettes y compris le képi blanc de la Légion étrangère qu'il rejoint dès la mobilisation générale en 1914. Grièvement blessé en 1915, il est amputé du bras droit.
De son vrai nom Frédéric Sauser, Blaise Cendrars est né à La Chaux-de-Fonds, en Suisse, le 1er septembre 1887, d'une mère écossaise et d'un père suisse. Très tôt, il parcourt le monde avec ses parents, vivant en Égypte (1890) puis au Népal, et il retrouve la Suisse en 1896, À l'âge de 16 ans, il décide de voyager seul et traverse le monde, allant de la Russie à la Chine par le Transsibérien, et de l'Italie au Canada. En 1909, il fréquente les bancs de l'université de Berne, où il suit des cours de médecine et de philosophie. Mais le goût du voyage est en lui, et c'est vers New York qu'il part en 1911. Puis il s'installe à Paris l'année suivante. Dès lors, la France devient son pays d'adoption qu'il n'hésite pas à défendre les armes à la main quand la guerre est déclarée.
Légionnaire et "homme de lettres".
Pour l'heure, Frédéric Sauser vit de petits métiers, fréquente le milieu littéraire et artistique, où il croise régulièrement Apollinaire, Max Jacob, Modigliani (qui fait un portrait de lui en 1917), Chagall, Léger, Cocteau... Il visite Bruxelles et Londres. De retour à Paris, il publie en 1912 Pâques à New York, sous le pseudonyme de Blaise Cendrars, et fonde, avec Emil Szittya, la revue Les Hommes nouveaux. L'année suivante, il publie la Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France, ouvrage créé en collaboration avec la peintre impressionniste Sonia Delaunay.
Sa jeune carrière d'auteur est malheureusement interrompue par le son des canons. Blaise Cendrars s'engage au 3e Régiment de marche du 1er Étranger, constitué à Paris le 4 septembre 1914. Il est affecté à la 5e escouade de la 6e compagnie et suit son instruction au camp de Rueil. L'acte d'engagement du légionnaire de 2e classe Frédéric Sauser précise qu'il est " homme de lettres".
L'escouade chargée des " coups de main ".
C'est dans la Somme, fin novembre 1914, qu'il reçoit son baptême du feu. Son unité est engagée à Rosière-en-Santerre, puis à proximité du village de Frise.
Sauser n'a pas encore le galon des responsabilités, mais sa maturité et son charisme le placent naturellement comme chef de file d'une bande d'étrangers et d'intellectuels, motivés ou en quête de rachat. L'escouade est chargée des " coups de main ", c'est-à-dire d'aller dans les lignes ennemies pour obtenir des renseignements et faire des prisonniers. Son unité se déplace ensuite vers Tilloloy. Six mois après son engagement, Sauser est nommé légionnaire de 1ère classe.
Amputé du bras droit.
Sa conduite au feu et son comportement héroïque lui valent d'être promu caporal à titre exceptionnel le 12 juin 1915. Quant à son régiment, exsangue, il est dissous le 13 juillet 1915. Les survivants, au nombre de cinq officiers et 892 légionnaires, rejoignent le 2e Régiment de marche du 2e Étranger. À partir du 25 septembre, le régiment est transporté à Saint-Hillaire-du-Temple, en Champagne. Blaise Cendrars participe à la grande offensive du 25 au 28 septembre.
Ce dernier jour, au cours de l'un des nombreux assauts de son unité et alors qu'il se trouve aux avant-postes à quelques kilomètres de la ferme de Navarin, le caporal Sauser est touché par un éclat qui lui arrache la main droite. La blessure est grave et l'amputation du bras inévitable. Frédéric Sauser, titulaire de la Médaille militaire et de la Croix de guerre, est réformé.
La trilogie.
Naturalisé français en 1916, Blaise Cendrars retourne à l'écriture, séjourne tantôt à Paris, tantôt à Cannes. Au début des années 1920, le goût du voyage le reprend, et c'est vers le Brésil que ses pas le portent. L'ancien légionnaire poursuit sa quête de l'aventure, continue d'écrire et publie quelques-uns de ses chefs-d'œuvre : Petits Contes nègres pour les enfants des blancs, l'Or, Rhum, Dix-neuf poèmes élastiques, D'Oultremer à Indigo... Il est aussi correspondant pour le journal Paris-Soir.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, Cendrars vit à Aix-en-Provence et ne revient à Paris, sa ville, qu'au début des années 1950. Entre-temps, il écrit et publie une trilogie : l'Homme foudroyé, la Main coupée et Bourlinguer. Dans la Main coupée (1946), Blaise Cendrars évoque ses souvenirs de la Grande Guerre et de son passage à la Légion étrangère :" Le métier d'homme de guerre est une chose abominable et pleine de cicatrice, comme la poésie".
En 1956, Cendrars est atteint d'une hémiplégie qui lui paralyse le côté gauche et son unique main. André Malraux, ministre de la Culture, lui remet, le 17 janvier 1961, le Grand Prix littéraire de la Ville de Paris.
Quatre jours plus tard, le 21 janvier 1961, l'écrivain-poète-aventurier et légionnaire Cendrars meurt à Paris.
Le peintre et le poète.
Cendrars conte l'une de ces missions " coup de main ". Celle-ci aurait pu l'amener à croiser la route d'un artiste de ses amis: " Comme nous étions au bout du monde, au terminus des tranchées, au seul point du front où elles étaient interrompues sur une largeur d'une quinzaine de kilomètres par les marais et les méandres de la Somme, nous étions chargés de faire deux fois par nuit une patrouille pour établir la liaison avec le régiment de la biffe qui tenait Curlu sur l'autre rive. Après la guerre, j'ai appris que Georges Braque, le génial maître du cubisme, était lieutenant dans ce régiment dont j'ai oublié le numéro. Ah, si je l'avais su, je serais allé serrer la main à mon bon ami Braque! ".
L'appel aux étrangers.
En compagnie de Riccioto Canudo, Blaise Cendrars est l'instigateur, dès le 29 juillet 1914, d'un manifeste d'intellectuels étrangers. Il lance un appel aux étrangers résidant en France : " Tout homme digne de ce nom doit aujourd'hui agir, doit se défendre de rester inactif au milieu de la plus formidable déflagration que l'histoire ait jamais pu enregistrer". L'écrivain ne tarde pas à transformer ses paroles en actes.