Kosovo                                            

17 mars 2008 : MITROVICA S'EMBRASE

Depuis le 14 mars, le tribunal des Nations Unies de Mitrovica, situé au nord de la ville, est occupé par des fonctionnaires KOS(1) qui réclament le droit d'être gérés par l'administration de Belgrade et non plus par les Nations Unies. Selon eux, l'ONU les a trahis en ne condamnant pas la proclamation d'indépendance du Kosovo un mois plus tôt. Pour mettre fin à cet état de siège, la police de la MINUK décide d'aller déloger les occupants illégaux. Le BATFRA est désigné pour soutenir l'action des policiers de l'ONU.

Le BATFRA 17 - sous le commandement du 1er RIMa, armé par des unités du 3e RIMa, du 6e RG, du 35e RI, du 601e RCR ainsi que par des unités belges et marocaines, reçoit pour mission d'isoler l'enceinte pendant l'intervention des policiers internationaux de la MINUK, puis d'assurer la protection du bâtiment après l'évacuation des personnes arrêtées.
250 policiers interviennent lors de la prise de contrôle du tribunal. Dans cet espace enclavé au milieu d'immeubles d'habitation, le bataillon ne peut engager qu'un volume de forces limité. Un détachement interarmes entraîné à l'ouverture d'itinéraire est en attente plus au sud, prêt à renforcer le dispositif dès que la zone sera libérée.
Le 17 mars à 5h30, l'opération de la MINUK commence. L'arrestation des activistes prend du temps. Alertés, quelques centaines de manifestants se regroupent. Vers 7h00, ils bloquent les premières tentatives d'extraction. Un TRM est incendié. Des barrages sont mis en place dans la ville.
La KFOR se retrouve en première ligne face à une émeute, qui, palier par palier, va tourner à la guérilla urbaine. Les émeutiers cherchent visiblement à discréditer les forces internationales et à provoquer une réaction violente qui pourra être exploitée médiatiquement. Sur place, le BATFRA prend les choses en main et prend le commandement d'une unité de police pakistanaise, qui sera utilisée en réserve. Il s'agit d'évacuer en sécurité les prisonniers et les forces de police, pour dégager un espace de manœuvre : resserrer le dispositif sur des positions plus favorables et faire rejoindre les renforts en attente.
Un premier convoi quitte la zone. La situation reste sous contrôle, mais vers 9h00, les lacrymogènes commencent à manquer et les émeutiers s'enhardissent. Parmi les projectiles qui pleuvent maintenant depuis deux heures, des grenades à fragmentation sont lancées. En 20 minutes, elles feront l'essentiel des blessés. Nos soldats se postent et s'emparent d'un bâtiment voisin pour élargir les vues. En face, les kalachnikovs prennent maintenant directement la troupe à partie. Une étape importante a été franchie dans l'escalade de la violence.

À 9h30, les aigles du 3e RIMa relèvent les Scorpions du 35e RI à l'entrée principale, sous les tirs qui continuent. Les parachutistes belges, moins touchés, conservent la zone arrière. Le poste de secours du 1er RIMa prend la suite de la MINUK et trie les blessés. Les plus légers sont renvoyés vers leur section car les heures à venir restent incertaines. Peu à peu, grâce à l'utilisation de moyens appropriés, la riposte ciblée montre ses effets. Avec l'arrivée des renforts, la violence baisse en intensité. Les dernières troupes de la MINUK quitteront le tribunal vers midi. La situation restera très tendue jusqu'au soir.
Le premier jour, on dénombre une vingtaine de blessés. Quinze seront évacués vers la métropole. Le BATFRA a tenu le tribunal, protégé et évacué les forces de police de l'ONU. Surtout, par un strict contrôle du feu, une communication maîtrisée et l'utilisation d'une équipe de Combat Camera, il a interdit toute exploitation médiatique et évité un embrasement du nord du Kosovo. Dès le lendemain, les patrouilles reprendront en zone serbe.

Col. LANGARD, CdC / 1er RIMa, commandant le BATFRA 17.

(1) Kosovars d'origine serbe.

LE 21 EN CONTRÔLE DE FOULE

De mai à octobre 2008, la 4e compagnie du 21e RIMa, commandée par le capitaine Courtiau, a armé la 2e compagnie du BATFRA 18, compagnie d'intervention à capacité de contrôle de foule au sein de la MNTF(N). En soutien des polices locales et internationales, sa mission est d'éviter un affrontement des Kosovars sur le pont "Austerlitz" et à Mitrovica.

Sur place, les marsouins prennent rapidement le rythme des patrouilles. La mise en condition pour la projection a soudé les marsouins, renforcé les connaissances techniques et tactiques nécessaires à l'accomplissement de la mission. Rigoureux et humains, les chefs de groupe collectent un renseignement d'ambiance de qualité lors de contacts avec la population. Leur précision, dans les comptes rendus, permette de réaliser des " Information Reports " utilisés par la KFOR. Les sections se partagent les missions de garde, d'alerte et de patrouilles. Avec des patrouilles partant de la Concession près du pont et d'un poste isolé "La Bourgerie" installé sur les hauteurs de Mitrovica Nord, notre secteur est bien quadrillé.
Nous travaillons en coopération avec les autres unités présentes sur le territoire, en interarmes avec le génie, en s'exerçant au "Road Blocks", mais aussi en interalliés avec les Portugais et les Danois. Les patrouilles mixtes permettent de mieux appréhender les autres armées, leurs matériels et leurs spécificités.
L'efficacité de la préparation et le comportement quotidien exemplaire des marsouins est démontré à deux reprises. Le 5 aout 2008 à 1 h 15, des troubles interethniques, opposant 15
KOA à 20 KOS armés de barres de fer dans le quartier des 3 tours à 300 m de la Concession entraînent le déploiement de deux sections en version contrôle de foule avec les appuis de la compagnie. La situation est calmée dès notre intervention sur les lieux.
De nouveau le 27 août à 23h15, des troubles interethniques dans ce quartier, opposant 15 KOA à 50 puis 200 KOS nécessitent l'intervention des Scorpions. Cette fois, toute la compagnie en version contrôle de foule est déployée pour sécuriser le quartier, en soutien des forces locales et internationales, hormis deux groupes pour la garde des emprises.
Malgré une atmosphère tendue, la situation est restée calme durant ce mandat. Les marsouins, en suivant l'évolution de la situation locale, ont compris la raison de leur présence.
Ltn. BARTHE, Cds. VERT 3.

GESTION DES BLESSÉS

"Le mandat 17 a été ma première mission au sein du CMU(1) et, de loin, la meilleure mission que j'ai effectuée dans ma carrière. Mon rôle sur place était d'aider le médecin chef à gérer les blessés. J'étais le point de relais entre le commandement santé basé à Pristina, l'hôpital militaire de Plana, les unités médicales françaises du détachement de Notting Hill, et du camp de Belvédère à Mitrovica où je me trouvais. Le point d'orgue de cette opération a été le 17 mars, lorsqu'un policier ukrainien est malheureusement décédé, et que nous avons nous-mêmes déploré, au sein du BATFRA, 22 blessés.
Ce jour-là, j'étais resté sur le camp du Belvédère ; dès le milieu de la matinée, nous savions que des blessés allaient commencer à affluer. La première équipe médicale étant partie sur le tribunal, nous avons dû monter les tentes pour accueillir les blessés avec la seule autre personne restée au centre médical. Les premiers policiers ukrainiens blessés sont arrivés, puis les soldats du 35e RI. Par chance un médecin belge et un autrichien étaient également sur le camp et sont venus seconder l'équipe médicale.
Tout s'est bien organisé. Nous avons accueilli les blessés et organisé les évacuations sur l'hôpital de Plana. Le travail d'identification des blessés et de leurs blessures a été intense, cela a permis un bon traitement des militaires touchés, rapide et efficace. De cet épisode critique est née une cohésion entre les membres du bataillon que je n'avais pas connue jusqu'à présent. C'est en ce sens que le mandat de l'indépendance a été marquant."

Adc. PEISAKOVITCH, centre médical du BATFRA, mandat 17.
(1) Centre médical d'unité.

LE 3e RIMA AU CŒUR DES MANIFESTATIONS

À l'instant précis où les locataires indésirables du tribunal vont être transférés pour être auditionnés, les événements prennent une tournure dramatique. Plusieurs centaines de KOS(1) affluent vers le tribunal pour tenter de libérer leurs compatriotes. La 4e compagnie du 35e RI, qui forme la composante blindée (AMX 10 P) du BATFRA, est violemment prise à partie. Elle compte de nombreux blessés dans ses rangs. Les sections Suret et Stolpner doivent assurer dans un premier temps l'évacuation de l'un d'entre eux. Mais très vite, leur mission change de nature. Les deux sections doivent relever leurs camarades belfortains durement éprouvés. La première étape, pour rejoindre le tribunal, est d'ouvrir l'axe qui y mène via le pont de Cambronne. Un premier barrage constitué d'un bus stoppe l'avancée du convoi. La section du lieutenant Suret débarque et écarte des manifestants KOS massés aux abords de l'autobus. Un MPG du 6e RG entre en scène et pousse le bus sur le bas-côté. Des projectiles provenant des hauteurs des immeubles environnants sont lancés sur les marsouins. La progression à pied se poursuit. À un carrefour, les sections Suret et Stolpner se retrouvent face à un élément hostile d'une cinquantaine de personnes. Les caillassages reprennent de plus belle. Une nouvelle barricade en feu barre la route mais elle est vite contournée. Les marsouins du 3e RIMa arrivent sur zone. Ils prennent contact avec le colonel Langard, patron du BATFRA et chef de corps du 1er RIMa, qui annonce que des tirs d'AK 47 ont été décelés. Après une rapide prise de consignes avec les éléments les plus avancés, le détachement du 3e RIMa bascule en mode infanterie, pour effectuer la relève au contact. Des grenades fusent de toute part. Le sergent Pleiber est soufflé par l'explosion de l'une d'elles. Les marsouins sont pris pour cible par des tirs d'armes de poing provenant d'un restaurant proche du tribunal. Le groupe du sergent Dupuis est envoyé pour reconnaître les lieux. Il essuie des tirs lorsqu'il pénètre dans l'établissement. Les tireurs embusqués prennent la fuite. La section du lieutenant Suret s'empare du restaurant et installe un appui face à un important carrefour. A 12h30, la situation semble apaisée. Un simple moment de répit, car quelques dizaines de minutes plus tard, des émeutiers reviennent à la charge au niveau du carrefour tenu par les marsouins du "3". Un journaliste italien est molesté par la foule et ne doit son salut qu'à l'intervention du groupe du sergent de Dieuleveult. Dans l'après-midi, les heurts cessent définitivement. Une partie du bataillon français investit le tribunal. La CEA et la CAC demeurent au restaurant plusieurs jours. Une fois le calme revenu, les policiers de la MINUK peuvent prendre le relais.

Ltn. SURET, Cds. SAC et Ltn. VAST, OCI / BATFRA 17 au moment des faits.

(1) Kosovars d'origine serbe

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